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Être un parent à qui l’enfant parle

la relation parent-enfant n’est pas aussi bonne qu’elle devrait l’être

Est-ce que votre enfant vous parle de ses problèmes ? Êtes-vous VRAIMENT à l’écoute ? Etes-vous un parent à qui l’enfant parle volontiers de ses problèmes ?

Hier, je regardais le journal télévisé et une femme a témoigné qu’à l’âge de 13 ans, un prêtre lui touchait régulièrement des parties intimes de son anatomie. Mais, quand elle en a parlé à ses parents, ils ne l’ont pas cru. Ensuite, il l’a violée régulièrement. Elle n’a pas osé le raconter à ses parents.

Pour se libérer de cette souffrance, elle a finalement réussi à en parler :  . . . 40 ans plus tard !

Moins grave, de nombreux enfants se font malmener, racketter ou violenter à l’école sans jamais en parler à leurs parents. Pourquoi ? Par peur, par honte, par volonté de s’en sortir tout seul ?

Ce qui est sûr, car validé par de nombreuses études, c’est que la qualité de sa relation avec ses parents est le principal indicateur de la stabilité émotionnelle et psychologique d’un enfant. Si l’enfant n’arrive pas à parler de ses difficultés lorsqu’il est bouleversé, c’est que la relation parent-enfant n’est pas aussi bonne qu’elle devrait l’être.

Parallèlement, dans mes formations et coachings, j’entends souvent les parents se plaindre que leurs enfants ne se confient pas à eux :  « Il ne veut pas me parler, il ne me raconte rien … ».  Ils se sentent éloignés de leur propre enfant. Cette situation crée de la douleur et du stress.

Donc, parents et enfants souffrent de ce manque de communication, mais comment en arrive-t-on là ?

Il existe deux principales habitudes parentales qui bloquent la communication et éloignent l’enfant : la négation des sentiments et la confusion entre sympathie et empathie.

Négation du sentiment

Lorsqu’un enfant est en détresse parce qu’il se sent blessé, déçu, inquiet ou en colère, il a désespérément besoin de son parent. Pourtant, souvent, les parents ne veulent pas voir leur enfant se sentir mal et leur premier réflexe est donc de dire à leur enfant de ne pas se sentir comme ça.

Les premières phrases qui viennent sont : « ne sois pas triste », « ne sois pas fâché », « ce pas grave », « ce n’est pas la peine d’en faire un plat », « arrête de pleurer », « arrête tes caprices », « tu vas prendre une fessée, comme ça, tu sauras pourquoi tu pleures ! » …

Que ce soit en donnant un sens différent, en niant le ressenti de l’enfant, en se moquant ou en menaçant, on donne à l’enfant le message qu’il ne doit pas exprimer se qu’il ressent sous peine d’être, au mieux, ignoré mais parfois même maltraité (moquerie, menaces…).

Mais, un enfant qui se fait réprimander lorsqu’il exprime sa difficulté émotionnelle se sent alors honteux de ce qu’il ressent. Cela aggrave la situation en ajoutant un deuxième ressenti négatif. Au final, l’enfant « apprend » à ne plus se faire confiance. Il se coupe de ses ressentis. Cela a des conséquences néfastes sur son avenir. Par exemple, un enfant qui ne ressent plus ses peurs développe plus de conduites à risques à l’adolescence.

En outre, le manque de soutien dans l’enfance est fortement préjudiciable. De nombreuses études ont montré l’importance du développement de l’intelligence émotionnelle pour réussir pleinement dans la vie.

On sait maintenant, grâce aux études en neurosciences que toutes les réactions qui visent à faire cesser l’expression de l’émotion au lieu d’aider à l’exprimer dévalorisent l’enfant et entrave le bon développement de son cerveau.

5 comportements qui dévalorisent l’enfant :

Minimiser ou nier les propos de l’enfant : « ce n’est pas grave », hausser les épaules, « ce n’est pas vrai », « tu exagères »…

Porter des jugements de valeur : « ce n’est pas bien de dire ça », « tu es méchant de dire ça », Tu es trop sensible …

Diagnostiquer ou analyser : « si tu dis ça, c’est parce que tu … », « je sais que … » …

Rectifier les erreurs de l’enfant : « on ne dit pas la maitresse a grondé moi, on dit la maitresse m’a grondé »

Fuir les émotions : « Arrête de pleurer », « viens on va faire un dessin », « tiens, prends un bonbon, ça ira mieux » …

Toutes ces réactions parentales font fuir l’enfant. Il comprend vite qu’il n’obtient pas de soutien lorsqu’il est en souffrance. Il s’éloigne de ses parents et, le jour où il y a un gros problème, les parents ne sont pas au courant, car l’enfant ne perçoit plus ses géniteurs comme des soutiens.

Empathie VS sympathie

Imaginez une personne qui est tombée au fond d’un grand trou tout noir et qui a peur. Le sympathique va lui dire : « ne t’inquiète pas, tout va bien. Je t’envoie une échelle et on va aller prendre une glace ».

L’empathique, quant à lui, descend dans le trou et dit : « c’est tout noir ici, je comprends que tu as peur. Tu veux m’en parler ? »

Au premier abord, on comprend que le sympathique souhaite aider l’autre à sortir de sa peur. C’est sympa !

Alors que l’empathique lui plonge la tête dedans. Pas cool !

La sympathie vise à aider l’autre à se sortir de sa situation difficile. Cela peut partir d’un bon sentiment mais peut aussi être une volonté de ne pas voir la souffrance de l’autre. Quoi qu’il en soit, le problème avec cette façon de faire, c’est qu’elle dépossède la personne de son propre pouvoir, de sa propre capacité d’agir et le prive de l’apprentissage de l’autonomie.

« Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson.« 

Confucius

Effets sur les enfants

En faisant ça avec un enfant, on le rend dépendant au lieu de lui apprendre à gérer par lui-même ses émotions. Le parent sauve son enfant des sentiments négatifs au lieu de l’aider à surmonter ses difficultés.

La réponse sympathique nous incite à résoudre le problème de l’enfant à sa place. Cela a un effet pervers : ça lui apprend à jouer à la victime. Par contre, elle ne nécessite aucun investissement émotionnel de la part du parent, car celui-ci devient le puissant sauveur et sauveteur. Ceci caresse son propre ego et c’est la solution de facilité.

Pour avoir de la sympathie, l’enfant a des « potes ». Ce qu’il attend de ses parents, c’est qu’ils l’aident à grandir. S’il se rend compte que la réaction de ses parents ne l’aide pas à agir par lui-même, il ne va plus leur parler de ses problèmes. Pour avoir de la sympathie, ses copains d’école font ça mieux !

Une allégorie : l’effet chrysalide

« Un homme regarde un papillon sortir de sa chrysalide et s’émeut de ses difficultés à s’extirper du cocon. Il décide de l’aider en incisant délicatement. Le papillon émerge aussitôt. Continuant à observer, il s’afflige en voyant que l’insecte ne parvient pas à prendre son envol. Plus tard, il apprend que la poussée du papillon pour rompre sa chrysalide permet la libération de certaines hormones, nécessaires pour que les ailes du papillon puisse se développer. Sans quoi, il ne peut voler ! »

Cette allégorie n’est pas un plaidoyer anti-solidarité, car l’aide apportée à autrui mérite le respect et le monde irait surement mieux avec plus d’entraide. Mais il est vrai aussi qu’une assistance trop forte ou non sollicitée peut avoir des conséquences dommageables pour celui qui en bénéficie. En effet, l’aide apportée empêche parfois un processus de renforcement, d’autonomisation ou d’envol (c’est le cas du papillon). Certaines épreuves sont indispensables à la croissance parce qu’elles représentent des opportunités de transformation et un parcours initiatique individuel.

Affronter à ses difficultés aide l’enfant à grandir et à développer ses compétences. Un enfant qui n’a pas appris à faire face à la frustration ou à la tristesse dans l’enfance se trouve fort démuni à l’adolescence ou à l’âge adulte.

Plus concrètement, vouloir changer les idées d’un enfant qui est pris dans une émotion forte est contre-productif à long terme. En effet, il y aura toujours un moment où personne ne pourra « divertir » l’enfant et il se retrouvera seul face à sa difficulté. Ce jour-là, l’enfant qui a pris l’habitude de se changer les idées au lieu de réguler ses émotions, quelle distraction va-t-il choisir : alcool, drogue, jeux vidéo, violence… ?

Malheureusement, l’expérience montre que la majorité des ados ne parlent pas de leurs problèmes avec leurs parents !

Être un parent à qui l’enfant parle : faire preuve d’empathie

L’empathie, c’est l’art paradoxal d’aider une personne à résoudre ses difficultés par elle-même.

Les émotions ne sont pas mauvaises. Bien gérées, elles ne durent pas plus de 5 minutes. Il faut les voir comme un indicateur de l’état interne. Il faut les exprimer et ça passe.

La meilleure façon d’aider un enfant à réguler ses émotions tout en lui apprenant à le faire par lui-même est de faire preuve d’empathie. Cette posture apporte du soutien, une présence mais pas de solution. L’objectif est de montrer à l’enfant qu’on est avec lui est qu’on comprend son ressenti. On l’accompagne sans chercher à lui changer les idées.

Pour faire preuve d’empathie, on doit montrer à l’autre qu’on le comprend en validant son ressenti par simple reformulation. Avec les enfants, il faut souvent mettre les mots car ils n’ont pas encore le vocabulaire associé à leurs ressentis.

Quelques exemples d’empathie :

C’est difficile pour toi. Je comprends.

Tu es contrarié parce qu’il s’est passé …

Tu as le droit d’être triste. C’est normal.

Tu es en colère. Je comprends. N’importe qui le serait à ta place.

Bien sûr que ça fait mal.

Tu as surement une bonne raison d’être déçu, je voudrais mieux te comprendre. Tu veux bien m’en dire plus.

Rebrancher le cerveau rationnel

Pris dans une émotion, l’enfant ne dispose plus de toutes ses capacités mentales. L’empathie permet d’aider à évacuer l’émotion et permettre au cerveau rationnel de se « reconnecter ».

Après avoir reçu une bonne dose d’empathie, l’enfant se sent compris et connecté à son parent. Il se sent déjà mieux. Dans de nombreux cas, c’est suffisant. L’empathie est tout ce dont il a besoin pour se sentir mieux. Par le simple fait de savoir que son parent le comprend, l’enfant se sent en sécurité et passe à autre chose.

Attention à une confusion courante : le fait d’être à l’écoute de l’enfant ne signifie pas automatiquement qu’on approuve son comportement. Par exemple :

« Je comprends que tu sois en colère, tu as le droit d’être en colère et je souhaite vraiment que tu m’en parles. Par contre, je ne veux pas que tu tapes ton frère.

L’empathie aide l’enfant à construire ses compétences

Voici comment cela fonctionne : lors d’une émotion forte, l’amygdale prend le contrôle du cerveau et l’enfant ne peut plus réfléchir. L’empathie crée un sentiment de connexion qui permet la sécrétion d’hormones comme l’ocytocine dans le cerveau de l’enfant et le calme rapidement. Après avoir reçu de l’empathie, son cortex, siège de la raison, reprend le contrôle du cerveau et l’enfant peut à nouveau réfléchir « logiquement » à ses problèmes.

A force de répétitions, cette reprise de contrôle par le cortex préfrontal se fait de plus en plus facilement. L’enfant apprend progressivement à gérer ses émotions par lui-même.

Aucun parent ne veut d’un enfant qui s’apitoie sur son sort, qui pleurniche pendant des heures, qui joue la victime ou qui est trop expressif. Et c’est peut-être cette peur qui empêche un parent d’être empathique. Cependant, honorer et valider les sentiments de l’enfant est, en fait, ce qui l’aide à réguler ses ressentis par lui-même. L’empathie dans l’enfance développe l’intelligence émotionnelle.

Les neurosciences ont mis en lumière le rôle de trois éléments en lien avec l’empathie et qui influent sur notre cerveau et nos comportements :

  • L’ocytocine : lorsque nous éprouvons de l’empathie, notre hypothalamus sécrète l’ocytocine qui renforce à son tour notre capacité à éprouver de la bienveillance, de l’affection, de l’altruisme et la volonté de coopérer notamment.
  • La sérotonine : la sécrétion de l’ocytocine permet celle de la sérotonine qui contribue à stabiliser l’humeur et à adopter un comportement plus calme et plus serein.
  • Le BDNF : il a été démontré qu’une éducation empathique facilite la sécrétion de BDNF, une protéine qui permet un meilleur développement du cerveau.

Ne pas donner d’empathie à un enfant a des conséquences très dommageables sur  l’apprentissage et le comportement. 

L’empathie renforce le lien.

Quand on fait preuve d’empathie envers un enfant, on renforce le lien dans les deux sens. Les parents empathiques ont donc des liens plus forts avec leurs enfants que les autres. L’enfant est en confiance et il sait qu’il peut parler à ses parents de ses problèmes et de ses difficultés.

On a montré que l’empathie est une capacité innée. Le bébé est capable d’empathie dès la naissance. Si son entourage favorise son expression, l’enfant continue à la développer et cela lui permet de créer des liens avec d’autres personnes en tenant compte de leurs émotions. Grâce à sa propre capacité d’empathie, l’enfant peut avoir conscience de l’effet de ses actions sur les autres. Il comprend, par exemple, que certains mots, gestes ou actions peuvent blesser. Mais il apprend aussi à réconforter et à consoler. 

Recevoir de l’empathie favorise également le développement de la capacité à réguler ses émotion. Ainsi, l’enfant développe sa capacité à s’épanouir même dans l’adversité au lieu de s’effondrer lorsque des choses négatives se produisent. L’empathie crée des enfants courageux et forts.

Pour être un parent à qui l’enfant parle, faites preuve d’empathie et donnez à votre enfant le pouvoir d’agir sur sa vie.

Pour en savoir plus sur le rôle des parents sur le développement de l’intelligence émotionnelle, consultez l’article suivant.

Au bonheur des enfants

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Un commentaire sur “Être un parent à qui l’enfant parle”

  • Merci pour cet article très complet. Ce message est relativement nouveau et encore peu appliqué car nous n’avons pas été accueillis de cette façon en tant qu’enfant. Lorsque l’on pratique l’écoute empathique avec nos enfants, la connexion est renforcée et les relations s’apaisent. Pour ne pas oublier de se donner également de l’empathie en tant que parent, j’ai proposé une approche dans un bonus gratuit : Comment en finir avec les tensions et cesser de culpabiliser ? https://des-parents-et-des-enfants.com/
    A bientôt, Fabienne

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