Bébé et parents

On sait aujourd’hui que la non-prise en compte des besoins des enfants a des conséquences néfastes sur toute la vie d’une personne. De nombreux problèmes puisent leurs origines dans les premières années de vie. Réussite scolaire et professionnelle, bonheur perçu, santé, épanouissement social et même la qualité des relations de couple sont corrélés au vécu des 5 à 7 premières années. Il est donc essentiel de déterminer les besoins de la petite enfance et d’adapter les pratiques parentales.

Existe-t-il des « besoins fondamentaux » des enfants ? Certains besoins sont-ils plus importants que d’autres ? La réponse à cette question va permettre aux parents d’aider leurs enfants à développer leur plein potentiel en leur apportant ce qui leur est essentiel.

Besoins des enfants : des théories multiples

Depuis les années 40, de nombreuses théories des besoins de l’enfant se sont côtoyées, parfois même opposées. Certaines sont hiérarchisées, avec Abraham MASLOW et sa pyramide en chef de file. D’autres auteurs comme Jean-Pierre POURTOIS et Huguette DESMET décrivent les besoins des enfants comme ayant quatre dimensions (affective, cognitive, sociale et de valeurs) interconnectées mais sans notion de priorité.

Dans cet ensemble de théories, le consensus actuel retient une approche interdépendante des besoins plutôt qu’une approche hiérarchique, mais définit tout de même un « métabesoin » : la sécurité.

Un méta-besoin : la sécurité

Ce besoin de sécurité est appelé « méta-besoin » car il englobe une grande partie des autres besoins que peut avoir un enfant au cours de son développement : protection, nourriture, stabilité affective, attachement …

De plus, la non-satisfaction du besoin de sécurité peut inhiber l’expression des autres besoins. En effet, un enfant qui est maltraité, négligé par ses parents ou qui ne mange pas à sa fain aura du mal à développer ses relations ou à apprendre.

Le sentiment de sécurité est une condition préalable pour que l’enfant se lance dans l’exploration du monde et aille vers les autres.

Ce besoin de sécurité chez l’enfant est à relier au besoin de survivre cité dans la partie 1 de l’article.

Besoins physiologiques

Le besoin de sécurité englobe tout ce qui est nécessaire à la survie. On y trouve donc en priorité l’alimentation et l’hygiène de vie. Avoir à manger et un toit pour se protéger des intempéries est le point de départ. Même s’il y a encore des efforts à faire, ces besoins physiologiques sont globalement acquis dans les sociétés modernes.

Cependant, la sécurité physique est tout aussi importante.

Besoin de protection

Pour pouvoir se développer au mieux, l’enfant doit vivre sans stress et donc il doit être sûr qu’il ne risque pas de se faire agresser.

Ainsi, toutes les violences physiques, verbales ou psychologiques sont à bannir.

Fessées, gifles, tirages de cheveux ou d’oreilles, cris, insultes, marques de mépris, haussement d’épaules, soupirs, regard vers le ciel mais aussi négligence ou manque d’attention sont des violences faites aux enfants.

Les études scientifiques ont largement montré que ces comportements mettent l’enfant en stress et nuisent à son développement. (Voir la vidéo VEO en 3 minutes)

Besoin de relations chaleureuses et stables

Compte tenu de son manque d’autonomie à la naissance, et donc de sa dépendance par rapport à son environnement, l’enfant doit pouvoir compter sur un « care-giver » ou donneur de soins pour assurer sa sécurité.

Cette personne doit être suffisamment disponible et attentionnée pour apporter à l’enfant ce dont il a besoin. Ce que Winnicot appelle la « préoccupation maternelle primaire ».

Le care-giver doit également assurer une relation stable, prévisible et empreinte d’empathie pour garantir à l’enfant une sécurité affective.

Pour T. B. Brazelton et S. I. Greenspan, les relations chaleureuses et stables aident les enfants à demeurer dans un état de calme et d’attention propice aux apprentissages.

Bonneville et Baruchel ajoutent que le fait de répondre de manière pertinente aux besoins relationnels de l’enfant préserve le sentiment de sécurité, qui est la base de toute dynamique de développement.

Autour des care-givers qui sont généralement les parents, se trouve également toute une communauté. Celle-ci à également un rôle dans le développement du sentiment d’être en sécurité. Le clan donne une identité et une culture qui rassure l’enfant. En effet, le bébé grandi et un jour, il quitte progressivement le cocon. Il a besoin de retrouver, en dehors du cadre familial, des pratiques et des valeurs similaires. L’enfant vérifie que ce que ses parents lui enseignent est partagé par la communauté. Si tel n’est pas le cas, il se sentira en danger en sortant de la maison puisqu’il ne sait pas à quoi s’attendre.

A l’adolescence, il va réellement mettre à l’épreuve les valeurs familiales. S’il les retrouve au sein de la communauté, cela va renforcer son sentiment d’appartenance et son sentiment de sécurité.

Besoin de vivre des expériences variées

Découvrir le vaste monde

Dès la naissance, l’enfant se lance à la découverte du monde. Plus il aura ancré son sentiment de sécurité et plus il va chercher à s’ouvrir afin comprendre et maitriser son environnement. Il devient un expérimentateur. Les parents ont pour rôle de lui permettre de vivre des expériences variées.

L’enjeu ici est le développement de ces compétences motrices, réflexives et expressives. Sans entrer dans la surstimulation de l’enfant et donc en respectant son rythme, on veille à ce qu’il ait suffisamment d’expériences lui permettant de connaître, de comprendre et d’interagir avec son environnement. Cela va lui permettre de développer ses compétences et ses talents.

Attention à ne pas entrer dans une course à l’excellence. L’enfant n’a pas besoin d’être meilleur que les autres. L’objectif reste la découverte du monde et non la performance.

Ce besoin de vivre des expériences variées peut avoir un coût mais il est inutile d’acheter tous les jouets. En effet, aussitôt qu’il aura compris comment ça marche, il s’en détournera. Combien de familles ont dépensé des sommes astronomiques pour des jouets qui ont servi moins d’une heure et qui, depuis, encombre les placards ?

Quelles expériences

En 2017, un rapport sur la démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l’enfant a été réalisé sous la responsabilité de la Dr Marie-Paule Martin-Blachais. Les auteurs ont remis ce dossier à Laurence Rossignol, Ministre des familles, de l’Enfance et des droits des femmes. Selon ce document, les expériences utiles au développement de l’enfant se rangent dans quatre catégories : 

  • les expériences corporelles et physiques : besoin de bouger et d’agir pour développer sa musculature, son endurance, sa coordination, son adresse ;
  • des expériences ludiques et créatives : besoin d’explorer, de manipuler, d’assembler, de construire, de « faire comme si » à partir de tous types de supports (jouets, objets du quotidien, activités artistiques ou de plein air, etc) ;
  • les expériences expressives et langagières : besoin d’avoir des échanges avec les autres enfants, mais aussi les adultes afin d’acquérir le sens des mots, d’apprendre à s’exprimer convenablement et de développer ses compétences relationnelles ;
  • et les expériences cognitives et réflexives : besoin de réfléchir, d’être confronté à des obstacles nécessitant une adaptation, un raisonnement.

Le rôle des parents est donc de mettre le « matériel » à disposition de l’enfant. Il faut lui parler normalement et interagir fréquemment avec lui. Il doit côtoyer d’autres enfants de tous âges. Les éducateurs doivent mettre des mots sur tout ce qu’il touche pour développer son vocabulaire. L’enfant doit avoir plein d’objets à sa disposition. (Et il faut bien cacher ceux auxquels il ne doit pas avoir accès).

Des expériences, des expériences, des expériences.

Besoin de grandir, d’évoluer

L’enfant a également besoin de grandir dans toutes les dimensions de sa personne. Pour cela, il doit apprendre. Vivre une multitude d’expérience va justement permettre cette évolution.

Dès la naissance, l’enfant est une machine à apprendre. Il mémorise tout ce qu’il peut, développe ses compétences motrices et mentales à grande vitesse et surtout, en éprouvant toujours du plaisir.

Dans les premières années, c’est le parent qui va permettre à son enfant de vivre des expériences adaptées à son stade de développement. Il doit lui proposer des activités qui vont le motiver parce qu’elles demandent un effort d’apprentissage sans être trop compliquées.

Lev Vygotsky, grand pédagogue et psychologue russe a introduit le concept de ZDP (zone de développement proximale). C’est l’espace entre les compétences actuelles de l’enfant et son potentiel de développement dans l’instant. Si une activité proposée est trop simple, l’enfant sait déjà faire et donc il s’en désintéresse. S’il trouve la tâche trop compliquée, il se décourage et ne s’engage pas non plus dans l’activité.

Les éducateurs doivent mettre à disposition de l’enfant des défis réalistes.

Besoin d’amour et de connexion

On a déjà dit que les enfants avaient besoin de care-givers chaleureux et stables. Je vais plus loin. Dès la naissance, et du fait de sa dépendance, l’enfant a besoin de se sentir connecté pour se sentir en sécurité.

Les mécanismes biochimiques de l’attachement sont maintenant bien identifiés. Par exemple, l’ocytocine, appelée molécule de l’amour, joue un rôle majeur dans l’attachement réciproque mère-enfant. Lors d’un moment de câlins, de contact physique, les deux cerveaux sécrètent de l’ocytocine. C’est une hormone qui va procureront sensation de bienêtre à l’enfant et à sa mère. Un mécanisme neuronal va créer une « dépendance » à cette hormone. Ensuite, l’enfant sera toute sa vie en attente de ces moments de tendresse. Il cherche à retrouver ces sensations de bienêtre.

On a montré que les enfants qui avaient reçu suffisamment d’attention, de câlins ou de tendresse dans l’enfance avaient une plus grande capacité à sécréter de l’ocytocine et cela a des effets sur leur réussite. Ils sont plus calmes et réussissent mieux à l’école. Ils sont moins sujets aux addictions et finalement sont plus heureux tout au long de leur vie.

A l’inverse, les enfants qui en ont manqué sécrètent moins d’ocytocine mais plus de cortisol (hormone du stress). Ils sont moins heureux et plus stressés à l’adolescence et à l’âge adulte.

Ainsi, les enfants ont besoin d’amour, de tendresse et de se sentir connecté à ses proches.

Règles, cadre, limites, discipline : besoins des enfants ou pas ?

Et dans tout ça, quelle est la place des règles ?

Rien dans les études

Étonnamment, dans les écrits scientifiques de ces 30 dernières années, il n’y a rien. Aucune étude n’indique que l’enfant ait besoin de limites ou de discipline. C’est un mythe !

Pourtant, c’est un constat fait par de nombreux éducateurs, avec les enseignants en tête.

« Apprendre à ne pas blesser les autres, ne pas tricher, respecter la loi, c’est important ! » Mais ce n’est pas un besoin. Car, un enfant qui a reçu tout l’amour dont il avait besoin, qui a été protégé par des parents fiables et qui a eu un environnement riche en apprentissages ne fera pas ces choses-là.

Les enfants dont les besoins sont satisfaits développent naturellement les valeurs humaines attendues. L’enfant est bon par nature, c’est l’éducation qui le rend mauvais.

L’idée que si on n’a pas un contrôle sur l’enfant, il ne fera que des bêtises est une croyance de notre société. Le mythe de l’enfant mauvais à qui il faut apprendre le droit chemin. Tous les peuples ne partagent pas cette pensée. Je vous conseille de lire l’histoire de la célèbre anthropologue Jean Briggs qui a passé 17 mois dans une communauté inuit. (article complet en anglais, article moins bien, mais en français).

Par contre, un enfant qui n’a pas reçu ce dont il avait besoin dans les premières années est plus agité et moins respectueux des autres. Au bout de quelques années, la seule solution est d’imposer une discipline. On passe en force parce qu’on n’a pas fait ce qu’il fallait en amont.

Ma fille chérie adorée de mon coeur

Ma fille a maintenant 10 ans et sa mère et moi n’avons jamais eu à lui poser une limite. Elle est très respectueuse de tout le monde, elle aide les personnes en difficulté, elle est sensible à la souffrance des autres, fait preuve d’empathie naturellement, elle aime apprendre, elle n’a jamais tapé ou mordu un autre enfant… Nous n’avons jamais, mais vraiment jamais eu besoin de la gronder ou de lui imposer une règle. Tout se décide d’un commun accord.

Par contre, elle a du mal à comprendre pourquoi ses enseignants ont besoin de crier sur les autres.

Le cadre a été posé par notre attitude avec elle dans les premières années : de l’amour, de la sécurité, de l’affection.

Je remercie, au passage, ma soeur qui s’est occupée d’elle quand sa mère et moi-même travaillions. Chez elle, notre fille a vécu dans le même cadre et les mêmes valeurs qu’à la maison. Cela lui a permis de se construire de la meilleure des façons : en conservant ses valeurs morales innées.

Les besoins des enfants

Pour résumer, les besoins des enfants peuvent se résumer en quelques mots :

  • Sécurité
  • Amour, connexion
  • Expériences variées
  • Évoluer

Pour cela, les parents doivent apporter une présence chaleureuse et fiable, donner de l’attention et de la tendresse. Ils doivent protéger l’enfant de toute forme de violence (voir ma vidéo sur les VEO).

Ils doivent également proposer de multiples activités sans forcer l’enfant. La richesse de son environnement est une garantie de son développement intellectuel.

Au fond, les besoins des enfants, il ne s’agit que de bon sens. L’enfant a besoin que ses parents aient un regard positif sur lui et qu’ils lui donnent de l’amour.

lien vers la partie 1 de l’article sur les besoins des enfants.

Au bonheur des enfants

Bibliographie

Brazelton T. B., Greenspan S. I., 2003, Ce dont chaque enfant a besoin. Sept besoins incontournables pour grandir, apprendre et s’épanouir, Paris, Marabout.

Bonneville-Baruchel E., 2014, Besoins fondamentaux et angoisses chez les tout-petits et les plus grands : l’importance de la stabilité et de la continuité relationnelle, Le carnet psy, vol. 5, n° 181, p. 31-34.

Lacharité C., Éthier L., Nolin P., 2006, Vers une théorie éco- systémique de la négligence envers les enfants, Bulletin de psychologie, tome 59/4, n° 484, p381-394.

Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE), 2016, Les besoins de l’enfant et leur déclinaison pratique en protection de l’enfance, Note d’actualité, site internet : https://www.onpe.gouv.fr/publications/besoins-fondamentaux-lenfant-et-leur-declinaison-pratique-en-protection-lenfance

Winnicott D. W., 1989, La préoccupation maternelle primaire, De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Payot [1re édition 1969]

Pourtois JP., Desmet H., 2011, L’éducation postmoderne, Paris, Presses universitaires de France.

Dr Marie-Paule Martin-Blachais, 2017, Démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l’enfant en protection de l’enfance. Rapport remis à Laurence Rossignol, Ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes.

Jean Briggs, 1988, Never in Anger: Portrait of an Eskimo Family et Inuit Morality Play: The Emotional Education of a Three-Year-Old.

Si vous avez aimé l'article, vous êtes libres de le partager !

Un commentaire sur “Les besoins des enfants : partie 2”

Laisser un commentaire