Pour un enfant, savoir maitriser ses émotions, favorise la réussite !
(voir article « le QI est mort, vive le QE« . J’y explique que l’intelligence émotionnelle est un meilleur prédicteur de réussite que l’intelligence mesurée par le QI)
L’intelligence émotionnelle est un concept qui englobe la conscience, la compréhension ainsi que la capacité à exprimer et à gérer ses propres émotions autant que celles des autres.
Lorsque les émotions sont fortes, les gens font et disent des choses qu’ils ne feraient pas normalement. Des choses pas forcément logiques. L’émotion prend parfois le dessus sur la raison.
Chez un jeune enfant, l’émotion gagne toujours sur la raison !
En effet, les parties du cerveau qui contrôlent les émotions sont quasiment toutes fonctionnelles dès la naissance. Mais le cortex préfrontal, qui régule les émotions et rationalise, ne l’est pas. Et en plus, il met du temps à se développer puisqu’il atteint sa maturité à plus de 20 ans.
Demander à un enfant de contrôler ses émotions comme le ferait un adulte est impossible. Cette capacité se construit petit à petit. Ça prend du temps, mais ça s’apprend !
Comment les parents peuvent-ils aider leurs enfants à développer leur intelligence émotionnelle ?
Maitriser ses émotions
La régulation des émotions est la capacité à maitriser l’expression de ses émotions. C’est une composante importante de l’intelligence émotionnelle. Cette compétence n’est pas innée. C’est avec la pratique que les enfants améliorent progressivement leur capacité de régulation émotionnelle.
À l’âge de quatre ans, la plupart des enfants commencent à utiliser des stratégies pour éliminer les stimuli externes dérangeants. En d’autres termes, ils se couvrent les yeux lorsqu’ils ont peur et se bouchent les oreilles lorsqu’ils entendent un bruit fort.
Ce n’est qu’à l’âge de 10 ans que les enfants commencent réellement à réguler leurs émotions. Les stratégies utilisées peuvent être divisées en deux catégories. Celles qui tentent de résoudre le problème et celles qui tentent de gérer l’émotion.
En effet, lorsqu’un enfant peut apporter un changement dans son environnement pour changer la situation qui pose problème, il s’engage dans une démarche d’adaptation centrée sur le problème. Il identifie le problème et élabore un plan pour y faire face. Mais, lorsqu’il n’a pas de solution, il s’engage plutôt dans une démarche de gestion de l’émotion. Pour cela, il s’efforce de la tolérer et de la contrôler.
Pourquoi développer l’intelligence émotionnelle ?
Alors que tout le monde se focalise sur les résultats scolaires, on néglige le développement de l’intelligence émotionnelle et notamment de l’autorégulation émotionnelle. C’est une erreur ! Les programmes scolaires sont focalisés sur le développement des intelligences logico-mathématique et linguistique.
Or les recherches montrent que l’intelligence émotionnelle est un prédicteur deux fois plus fort que le QI de réussite ultérieure. Cela veut dire que les enfants qui réussissent le mieux dans la vie, professionnellement mais aussi dans leur vie privée, sont ceux qui ont développé le plus leur capacité à réguler leurs émotions.
Maitriser ses émotions, un élément de l’intelligence émotionnelle, est particulièrement importante pour prédire la réussite scolaire. Effectivement, les enfants qui sont capables d’inhiber leurs impulsions (souvent motivées par les émotions) et d’éviter les distractions sont capables d’adopter de bons comportements et d’atteindre leurs objectifs.
Une étude scientifique particulièrement puissante a testé la maitrise des émotions chez les enfants d’âge scolaire. Ensuite, on a mené un suivi de ses enfants dans la trentaine. L’étude a démontré que la maîtrise de soi dans l’enfance permettait de mieux prédire la réussite que le QI, le statut socio-économique ou l’environnement familial. Les enfants qui avaient une bonne maîtrise de leurs émotions devenaient des adultes en meilleure santé, qui avaient de meilleurs revenus et étaient moins susceptibles d’avoir des problèmes judiciaires ou des addictions.
Réguler n’est pas refouler
Une petite précision importante : réguler ou maitriser ses émotions ne consiste pas à les refouler et se changer les idées. Gérer ses ressentis émotionnels est un processus plus complexe. Il faut accepter et comprendre ce qu’il se passe puis identifier le besoin et enfin trouver une stratégie pour satisfaire ce besoin.
Le premier élément de l’intelligence émotionnelle est la conscience et la compréhension des émotions. Nous devons comprendre et accepter avant de pouvoir contrôler et exprimer nos émotions. Les émotions ne sont pas un inconvénient, mais plutôt un élément de l’évolution humaine qui sert un but. Chaque émotion a un message. C’est comme un voyant sur le tableau de bord d’une voiture.
La tristesse est une émotion capable de nous ralentir, tant au niveau de la pensée que de l’activité motrice, car il y a un deuil à faire. On est triste lorsqu’on a perdu quelque chose ou quelqu’un. Il nous faut un temps plus ou moins long pour nous restructurer.
En revanche, la colère nous accélère, mobilisant une énergie intense et envoyant du sang à nos extrémités. Elle nous prépare à un combat. La colère nous indique que notre espace est envahi et nous aide à nous mobiliser pour nous protéger contre les menaces.
Penser l’émotion.
Toutes nos émotions ont une utilité. Elles doivent être respectées et faire l’objet d’une réflexion.
Oui une réflexion. Pour apprendre à maitriser ses émotions, il faut les penser, remettre de la raison. C’est pour cela que l’on conseille de ne pas utiliser la distraction comme moyen de calmer ou d’apaiser les émotions négatives des enfants, et encore moins les sucreries.
L’enfant doit développer son cortex préfrontal pour apprendre à maitriser ses émotions. Et c’est en s’entrainant qu’il devient efficace. Toute solution qui apporte de la distraction, dispense du travail nécessaire et donc entrave le développement de la compétence.
Comprendre le message de l’émotion
L’utilisation de support pour détourner son attention afin de calmer l’enfant ne lui apprend pas à réguler, c’est de la stratégie d’autruche. Comme l’enfant de 4 ans qui met ses mains sur les oreilles pour ne plus entendre, on se met devant un ipad pour ne plus entendre ce qui s’exprime à l’intérieur de soi.
Fondamentalement, les enfants ont besoin de faire l’expérience de ces émotions et de s’entraîner à les tolérer pour développer leur maîtrise de soi et leur intelligence émotionnelle.
Rôle des parents pour aider l’enfant à maitriser ses émotions
Parce que l’intelligence émotionnelle est un prédicteur de succès, les chercheurs ont examiné comment encourager son développement. Ainsi, on a observé comment les parents réagissent aux émotions de leurs enfants afin de comprendre comment l’intelligence émotionnelle se développe. On a découvert que les parents réagissent aux émotions de leurs enfants de quatre façons possibles. Ces quatre approches ne sont pas toutes efficaces pour apprendre à l’enfant à maîtriser ses émotions.
Il y a les parents « on s’en fout » considèrent les émotions de leurs enfants comme peu importantes. Ils tentent de les éliminer rapidement, souvent en recourant à la distraction : « un bonbon, un ipad et hop, on passe à autre chose ! »
Les parents « censure » considèrent les émotions négatives comme quelque chose de mauvais qu’il faut éliminer. En général par le biais d’une punition : « Si tu n’arrêtes pas de pleurer, je vais t’encoller une, comme ça tu auras une bonne raison de pleurer !».
À l’inverse, les parents « cool Raoul » acceptent toutes les émotions de l’enfant, mais n’aident pas l’enfant à résoudre ses problèmes ou ne fixent pas de limites aux comportements appropriés.
Et puis on a les parents « coaches » aide l’enfant à exprimer ce qu’il ressent et lui apporte une présence chaleureuse et empathique.
Les recherches montrent que les enfants de parents qui coachent leurs émotions sont en meilleure santé physique, réussissent mieux à l’école et s’entendent mieux avec leurs amis.
La technique pour aider l’enfant à maitriser ses émotions
Les parents « coaches » ont plusieurs caractéristiques communes pour aider leur enfant à maîtriser ses émotions.
Une vision des choses :
les émotions sont des opportunités de connexion et d’éducation. Les émotions des enfants ne sont pas un problème qu’il faut éliminer. Elles sont une occasion de créer un lien avec votre enfant et de l’aider à grandir.
Une sensibilité :
Les parents qui encadrent les émotions sont conscients de leurs propres sentiments et sont sensibles aux émotions présentes chez leurs enfants. Ils n’ont pas besoin que leur enfant amplifie son expression émotionnelle pour que ses sentiments soient reconnus.
Une recette :
1. Écoutez et validez les sentiments.
Écouter l’émotion qui s’exprime en reformulant et en validant pour montrer à l’enfant qu’on accepte ce qu’il exprime, pour lui montrer qu’on le comprend.
2. Mettre des mots sur ses émotions.
Après avoir écouté attentivement, on aide l’enfant à prendre conscience de ses émotions et à développer un vocabulaire pour les exprimer.
« tu es triste parce que … », « est-ce que tu es en colère car … », « tu te sens frustré de ne pas pouvoir … »
3. Aidez l’enfant à trouver des solutions.
4. Une fois l’émotion apaisée, éduquer.
Toutes les émotions sont acceptables, mais tous les comportements ne le sont pas. On peut être en colère, mais pas frapper un autre enfant ! Il est donc important, après que l’émotion soit apaisée, d’aider l’enfant à développer les comportements appropriés.
Parfois, les étapes de l’accompagnement émotionnel se déroulent rapidement. D’autres fois, ces étapes peuvent prendre beaucoup de temps. Il arrive également qu’on ne fasse pas toutes les étapes. Si le problème est important, il n’est pas nécessaire de franchir toutes les étapes en une seule fois, on pourra revenir plus tard sur la situation.
Recommencer le processus pour chaque situation difficile va aider l’enfant à maîtriser ses émotions.
L’émotion désagréable indique qu’un besoin n’est pas satisfait. À l’inverse, les besoins satisfaits sont à l’origine des ressentis agréables. Pour aider les enfants à comprendre l’origine de leurs émotions passe par la conscience des besoins sous-jacents. Aussi, en complément de cet article, vous pouvez lire l’article sur les besoins.
A vous de tester ! Et laissez-moi un commentaire.
Très belle analyse. Personnellement il me faut bien tous ces conseils car les larmes d’un enfant m’enlève toute attitude raisonnée. Mais comprendre c’est déjà pouvoir commencer à aider et à accompagner. Merci 😊