Tiens-toi droit !

« Tiens-toi droit ! » disaient nos grand-mères. Nous étions ados et le poids de notre propre corps semblait parfois trop lourd à porter. Ou alors, c’était le poids de la vie ou simplement le spleen de l’ado. Mais, nous étions vautrés comme des Gaston lagaffe en latex. Et nous ne voyions pas l’intérêt de se tenir droit, au grand désarroi de nos grands-parents.

En fait, je n’imaginais pas, à l’époque, à quel point la science donnerait raison à ma grand-mère.

Un peu d’histoire

Se tenir droit : une exigence qui remonte à loin

Bébés emmaillotés, corsets, machines redresseuses… depuis le moyen-âge, tenir le corps droit a été un objectif majeur des éducateurs.

 « Parmi les normes qui concernent le corps, il en est une très importante qui est celle de l’exigence d’une tenue droite. »

Georges Vigarello (historien français spécialiste de l’histoire de l’hygiène, de la santé, des pratiques corporelles et des représentations du corps)

On a longtemps pensé qu’il fallait aider les os à se rigidifier dans la bonne position et donc maintenir le corps le plus droit possible. C’est pour cela que les bébés étaient emmaillotés au point de ne pas pouvoir bouger.

De plus, les enfants de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie devaient maintenir une posture droite. C’était le signe de leur appartenance à l’élite de la nation mais les moyens pour y arriver étaient parfois proches de la torture (corsets, plastrons, cols rigides). La posture faisait partie des « bonnes manières » qui différenciaient les personnes importantes du petit peuple.

Au 18e siècle, des voix s’élèvent contre ces pratiques qui imposent de fortes contraintes aux enfants et on commence à prendre en compte le rôle de la musculature sur la posture.

Au 19e, on généralise la pratique régulière de l’activité physique. On crée la gymnastique scolaire. Pour la première fois dans l’histoire, on cherche à développer sa musculature par des exercices spécifiques. Dans des salles de gymnastique, des machines sont inventées (manivelles, poulies, treuils, échelles) pour obliger le corps à travailler une partie du corps. Les salles de musculations sont nées.

Mais, pourquoi une telle obsession pour la position droite ? 

Dans les études, on a constaté, dans toutes les cultures, que les leaders ont des postures droites et ouvertes. Ils affichent leur confiance en eux sans arrogance. Instinctivement, on a tendance à faire confiance aux personnes qui adoptent les postures de puissance ci-dessous (sauf la 2 dans les pays asiatiques). 

Par exemple, la posture se trouve être un meilleur paramètre pour la réussite d’un entretien d’embauche que les diplômes. C’est complètement inconscient, mais quelqu’un qui manque de confiance en lui a une posture et une gestuelle recroquevillée sur lui-même et cela inspire une image négative de la personne.

Posture et état d’esprit

Notre état psychologique influence notre posture

Vous l’avez surement déjà constaté par vous-même : les personnes timides en manque de confiance occupent le moins d’espace possible. Ils se font les plus petits possibles pour passer inaperçus. Épaules rentrées et tête baissée, ils se replient sur eux-mêmes et parlent avec une toute petite voix.

À l’inverse, les personnes en confiance se tiennent droit, épaules en arrière, torse bombé, tête droite. Ils sont tournés vers les autres, occupent l’espace, communiquent clairement…

Homme et femme, quand on veut plaire, on rentre le ventre, on serre les fesses, on relève la tête, on recule les épaules et on arbore fièrement notre poitrine.

On a la même posture lorsqu’on réussit quelque chose d’important. C’est la posture de la puissance ou de l’affirmation de soi.

Que font tous les sportifs quand ils gagnent ? Ils lèvent les bras, ils se font grands, ils adoptent instinctivement une posture ouverte.

La posture a-t-elle une influence en retour  ?

Amy CUDDY est une chercheuse américaine (Université de Harvard) qui a étudié l’influence de notre posture sur différents éléments de notre vie. Sa conférence TEDx se place en deuxième position des vidéos TEDx les plus vues dans le monde.

Au cours de ses nombreuses recherches, elle a montré que le simple fait de se tenir bien droit, le torse en avant, la tête bien droite diminuait le taux de cortisol (hormone du stress) de 25 % et augmentait le taux de testostérone (hormone de l’affirmation de soi) de 20 %. L’effet s’inverse avec les postures de repli sur soi.

Le niveau de testostérone est à la fois la cause et la conséquence des comportements qui nous aident à oser nous affirmer. Le taux de testostérone est corrélé à notre aptitude à « nous lancer dans une approche courageuse et à gérer avec maestria les situations délicates » (Amy Cuddy).

De son côté, le cortisol est l’hormone du stress. Elle est sécrétée en cas de danger lorsqu’il faut fuir ou attaquer. Par contre, un taux de cortisol élevé est un handicap si on veut réfléchir, trouver la meilleure solution ou être efficace pour autre chose que fuir ou attaquer.

Quel intérêt de savoir ça ?

Développer sa confiance en soi et sa réussite

Les études du docteur CUDDY (et d’autres) ont montré la réciprocité de l’action corps-esprit.

Si les gens qui ont confiance en eux se tiennent droits, en se tenant droit, on augmente notre confiance en soi. Et donc, pour qu’un enfant augmente sa confiance en lui et son estime de lui, rien de tel qu’un bon « tiens-toi droit ! ». Merci grand-mère !

Le docteur CUDDY a estimé que le fait de passer 2 minutes (oui, 2 minutes suffisent) dans certaines positions suffit à faire changer notre biologie interne et nos ressentis.

2 minutes dans une posture de puissance permet de :

• Réduire le stress
• Augmenter sa confiance en soi
• Développer un meilleure estime de soi
• Augmenter son énergie et de son audace (on ose plus de choses)
• Multiplier nos chances de réussite (examen, entretien, compétition sportive…)
• Développer une plus grande résistance à la douleur

 

 

Écoutez la vidéo de Amy Cuddy sur l’impact de votre langage corporel sur votre personnalité.

L’iPosture

 

 

 

 

 

À l’inverse de tout ça, on peut aussi, par notre posture, développer un état d’esprit négatif. En rentrant les épaules et en baissant la tête, on augmente le stress et on diminue notre confiance en nous et notre capacité à s’engager. Cette posture est celle des timides et des dépressifs, mais c’est aussi la position qu’on a sur nos smartphones. Les ados peuvent passer plusieurs heures par jour dans cette position. Pas cool !

De nos jours, on connait bien les troubles musculo-squelettiques liés à cette posture (iposture), mais les conséquences psychologiques sont en cours d’étude. Nul doute qu’on montrera un effet néfaste sur la santé mentale des accros du phone.

Aussi, dans une des études du Dr Amy Cuddy, les scientifiques ont demandé à des volontaires de remplir un questionnaire sur un appareil électronique (smartphone, tablette, ordi portable, ordi de bureau). Ensuite, le chercheur revenait dans la pièce. Il récupérait l’appareil, montrait une horloge du doigt et leur disait : « Je reviens dans cinq minutes pour vous dire ce qu’il en est et vous payer pour que vous puissiez partir. Si vous ne me voyez pas arriver, venez s’il vous plaît me chercher à l’accueil. » Le but de l’étude était de savoir combien de volontaires allaient venir à l’accueil au bout de combien de temps.

Les résultats

Effectivement, les résultats sont sans appel, plus la posture est droite et plus les personnes s’affirment.

Un psychologue américain demandait à ses patients dépressifs de compter les fleurs sur les balcons de sa rue avant de venir en consultation. Il les obligeait à relever la tête et cela diminuait le nombre de séances nécessaires.

Et pour nos jeunes, c’est la même chose, il faut leur faire relever la tête. Mais, il est également important de savoir que si vous voulez leur demander de faire quelque chose, il est préférable de ne pas le faire lorsqu’ils sont penchés sur leur smartphone. 

Exercice pour changer sa vie

Tous les matins et avant les évènements nécessitant d’être au top de ses capacités (entretien, réunion, présentation, examens…), choisissez une posture parmi les 5 ou une autre. Moi, je me mets debout, épaules en arrière, mains sur les hanches, tête droite.

Ensuite, garder la pose deux minutes en ayant des pensées positives : 

• intention positive pour la journée
• phrases de renforcement positif
• Ho’oponopono
• visualisation des réussites passées ou futures
• …

Faites ça tous les jours et vous verrez votre vie changer.

Amy Cuddy conseille également de prendre les poses de puissance : 

• avant de se retrouver dans un contexte inconnu, de rencontrer des gens pour la première fois ou quand on parle dans une autre langue que la sienne, à l’étranger ;
• quand on prend la parole pour se défendre ou pour défendre quelqu’un ;
• lorsqu’on demande de l’aide ;
• quand on met fin à une relation, professionnelle ou personnelle ;
• quand on démissionne de son travail ;
• mais aussi avant de recevoir une critique ou d’en formuler une.

Profiter également de tous les moments : ascenseur, seul dans son bureau, salle d’attente (au lieu de se mettre sur son téléphone).

Et pour les enfants ? « tiens-toi droit ! »

 Pour les enfants, faites comme les grand-mères : « tiens-toi droit ! » mais avec bienveillance et douceur. Il y a des moments où ils sont fatigués et il faut les laisser tranquilles. La meilleure éducation reste l’exemple ! Montrer-leur que vous le faites souvent, ils imiteront.

Vous pouvez également ajouter ces 2 minutes à la liste des rituels quotidiens. 

Pour finir, je vous propose d’écouter la chanson de d’Anne Sylvestre, tiens-toi droit : ici