Dispute entre les enfants.
Ma fille passait quelques jours de vacances chez ses cousines. Un jour, elle mâappelle pour me dire de venir la chercher. Elle souhaite rentrer Ă la maison. Je comprends vite quâil y a eu une dispute entre les enfants. Alors jây vais (il me faut 10Â minutes, ce nâest pas loin).Â
La dispute
constats
Ă mon arrivĂ©e, Teavau, la niĂšce de ma fille, est assise toute seule dans le salon. Ma fille, Teanini, et sa niĂšce ont le mĂȘme Ăąge, 9 ans. En voyant sa tĂȘte, je comprends qu’elle est une des protagonistes de l’affaire.Â
Je lui demande ce quâil se passe et elle me dit quâelle sâest fĂąchĂ©e avec Teanini.
Je lui demande de me raconter ce qu’il sâest passĂ©. Ăa ressemble Ă une dispute entre enfants, une chamaillerie de petites filles. Cependant, je voudrais creuser un peu, car je comprends que quelque chose qui lui fait mal.
Aussi, je lui demande si elle souhaite mon intervention pour arranger la situation. Elle a lâhabitude de mes mĂ©diations et elle est dâaccord.
Je rentre dans la partie et jâĂ©coute
Je vais donc voir ma fille qui Ă©tait restĂ©e dans la chambre et je lui demande sâil se passe quelque chose avec Teavau.
«âOui, elle me donne des ordresâ»
Ahhhâ! Et toi, tu nâas pas envie quâon te donne des ordres.
Ben nonâ!
Et lĂ , elle mâexplique quâelles ont rencontrĂ© un garçon sympa Ă la colonie et elle discute avec lui sur les rĂ©seaux sociaux, mais sa niĂšce ne veut plus quâelle lui parle.
Donc je lui dis :
« â et donc toi tu ne veux pas que Teavau tâinterdise de parler avec ce garçon.
â Oui.
â En quoi est-ce un problĂšme pour elle si tu parles avec ce garçonâ?
â dĂ©part, câest elle qui lâa connu et il parlait avec elle, mais maintenant il parle avec moi et plus avec elle.
â Je comprendsâ»
Et donc lĂ , je lui demande si lâon peut en discuter tous ensemble. On rejoint Teavau dans le salon.
Tous ensemble
Ătape numĂ©ro un : les faits
Je mâadresse Ă Teavau et lui dis ce que Teanini mâa racontĂ©.
«ââ Oui je veux plus quâelle lui parle parce que lui, il ne veut plus me parler. Il ne parle quâavec Teanini.
â OK je comprends. Tu as rencontrĂ© un garçon sympa, tu aimerais bien parler avec lui, mais lui ne te parle plus et prĂ©fĂšre parler avec Teanini. Et donc tu souhaites que Teanini arrĂȘte de lui parler. Câest çaâ?
â Oui.
Teanini : â mais, câest lui qui mâappelle alors moi je rĂ©ponds. Et câest lui qui veut me parler.â»
Ă partir de lĂ , je connais les faits.
Ătape numĂ©ro deux : les ressentis.
Je commence par Teavau :
Je commence par reformuler les faits :
«ââ tu as rencontrĂ© un garçon Ă la colonie, vous parliez rĂ©guliĂšrement sur les rĂ©seaux sociaux, et maintenant il ne te parle plus, il parle avec Teanini. Câest çaâ?
â Oui.
â Et ça te fait quoi, que ce garçon ne te parle plus et prĂ©fĂšre parler Ă Teaniniâ?â»
Là , elle se met à pleurer et me dit : «
â câest toujours pareil, Teanini, elle a plein de copines, plein de copains. Et moi je suis toujours toute seule.â»
Je reformule : «âelle a plein de copines et toi tu te sens seule.
â Oui
â Et, ça te fait quoi dâĂȘtre toute seule alors que Teanini a plein de copines.Â
â je suis triste parce que je suis toute seule.â»
En entendant ces mots, câest ma fille qui se met Ă pleurer aussi.
Je l’invite Ă reformuler ce que sa niĂšce a dit pour vĂ©rifier quâelle a bien compris.
Je lui demande ensuite comment elle se sent : elle est triste aussi.
On attend deux minutes que tout le monde arrĂȘte de pleurer.
Fin de la dispute entre les enfants
Elles commencent Ă se regarder et Ă se sourire.
Je vois que leur complicité est en train de revenir.
Leurs visages sont redevenus souriants et leurs regards pétillants.
Les besoins
De quoi avez-vous besoin maintenantâ?
Jouer ensembleâ!
Je leur demande quand mĂȘme ce quâon fait avec ce garçon.
Teavau : tu peux lui parler si tu veux, ça ne me fait rien.
Teanini : je vais lui dire que ce nâest pas bien de ne pas te parler et aprĂšs je ne lui parle plus.
Elles se font un cĂąlin.
Je leur propose dâaller Ă la salle de bain se rafraĂźchir le visage. Et lĂ , elles commencent Ă jouer avec la mousse. Je nâexiste plus. Elles ont retrouvĂ© leur relation.
Fin de la médiation
Je demande Ă ma fille si elle a encore besoin de moi et ce quâelle dĂ©cide. Est-ce quâelle rentre Ă la maison, ou pasâ?
Elle me rĂ©pond : «ânon non, je reste lĂ et je tâappelle si jâai besoin de quelque chose.â»
Je rentre en me disant : «âmince alors, je pensais attendre encore quelques annĂ©es avant de gĂ©rer des histoires de garçons. Elles nâont que neuf ansâ!â»
Ce que jâespĂšre, câest quâĂ 15 ans elles auront intĂ©grĂ© ce processus et gĂšreront ce type de situations toutes seules.
Le processus de gestion d’une dispute entre enfants
Comment suis-je intervenuâ? Jâai utilisĂ© un processus issu de la communication non violente (CNV) :
- Ă©couter chacune des deux parties avec empathie
- se mettre dâaccord sur les faits.Â
- exprimer les ressentisÂ
- identifier les besoinsÂ
- formuler les demandes
Ces deux petites sont tellement habituĂ©es quâelles rĂ©alisent les deux derniĂšres Ă©tapes toutes seules. En cas de conflit, jâinterviens surtout pour la premiĂšre Ă©tape : lâĂ©coute empathique.
Je commence en les prenant chacune de leur cĂŽtĂ©. Je les aide Ă me raconter ce quâelles ont vĂ©cu en leur apportant de lâĂ©coute attentive, de lâempathie et en reformulant pour bien montrer que je les comprends. Cette Ă©tape ne fait pas partie du processus de CNV, mais elle est importante pour apaiser lâĂ©motion et leur donner envie de rĂ©soudre le conflit.Â
Ensuite, je demande Ă chacune dâexprimer son ressenti et jâinvite lâautre Ă reformuler. Cela permet Ă chacune de se sentir entendue et comprise par lâautre.
Avec les enfants, câest souvent suffisant. Ce dont ils ont le plus besoin, câest d’exprimer ce qu’ils ressentent et ensuite ils retrouvent la relation.
Les Ă©tapes suivantes ont surtout une visĂ©e Ă©ducative. Il est important que les enfants sachent identifier les besoins non satisfaits qui se cachent derriĂšre leurs Ă©motions dĂ©sagrĂ©ables. Tout comme il est prĂ©fĂ©rable de savoir formuler de vraies demandes au lieu dâexprimer des exigences.
La communication non violente
Marshall Rosenberg est le crĂ©ateur de la communication non violente. Son but est de «âfavoriser une qualitĂ© de relations qui va permettre de rĂ©pondre aux besoins des uns et des autres en Ă©tant uniquement motivĂ© par lâĂ©lan du cĆur et la joie de le faireâ».
Marshall Rosenberg a la conviction que la nature profonde des ĂȘtres humains les porte à «âaimer donner et recevoir dans un esprit de bienveillanceâ». Il sâest donc interrogĂ© sur notre capacitĂ© Ă nous couper de cette bienveillance au point de devenir violents ou agressifs. De mĂȘme, Il sâest efforcĂ© de comprendre comment certains individus, parviennent Ă rester en contact avec cette bontĂ©, mĂȘme dans les Ă©preuves.
Au final, Il a constatĂ© le rĂŽle dĂ©terminant du langage et de lâusage des mots. Câest pourquoi il dĂ©finit un mode de communication qui «âfavorise lâĂ©lan du cĆur et nous relie Ă nous-mĂȘmes et aux autresâ». Il appelle cela la Communication Non Violente, en rĂ©fĂ©rence Ă Â Gandhi.
La méthode
La mĂ©thode utilisĂ©e en CNV peut ĂȘtre rĂ©sumĂ©e comme un cheminement en quatre temps : O.S.B.D.
- O â> Observation : dĂ©crire la situationâ; uniquement des faits observablesâ;
- S â> Sentiment : exprimer les sentiments et attitudes suscitĂ©s dans cette situationâ;
- B â> Besoin : clarifier le besoinâ;
- D â> Demande : faire une demande respectant les critĂšres suivants :Â
- Réalisable, réaliste
- ConcrĂšte, prĂ©ciseÂ
- Formulée positivementIci et maintenant
- NĂ©gociable.
Conditions pour que ça fonctionne
Pour que ce processus fonctionne bien, cela suppose une rĂ©elle intention de favoriser le dialogue et la coopĂ©ration. Câest pour cela que je rajoute lâĂ©tape dâĂ©coute empathique individuelle. Tant que la personne reste en colĂšre, elle nâest pas disposĂ©e Ă rĂ©soudre le conflit. En effet, dans ce genre dâĂ©motion, on a besoin dâune personne qui nous Ă©coute et qui nous comprend pour nous apaiser.
Ensuite, lorsque les deux ont exprimĂ© leur dĂ©sir de rĂ©soudre le conflit, tout devient plus simple et lâon peut suivre le processus OSBD.
Conclusion
Une chose Ă retenir :
Il y a une chose qui mâa toujours Ă©tonnĂ© dans ce processus de gestion d’une dispute entre enfants. Câest de constater comme câest facile avec eux.
Malheureusement, avec les adultes câest souvent un peu plus long. Chez les enfants, la fiertĂ© mal placĂ©e et la mauvaise foi sont rares. Ils disent les choses comme elles sont et passent vite Ă autre chose.
Merci pour cet article tout à fait pertinent (au delà de la jolie histoire qui illustre parfaitement le propos). Une méthode tout aussi valable entre adultes.
Merci pour cet article complet. Il va me servir pour résoudre les conflits entre mes 2 fils.